La sortie d’Interstellar en DVD et Blu-ray est l’occasion attendue pour reparler de ce film détesté ou adoré par les spectateurs. Tout comme le précédent grand Nolan : Inception, tout le monde y va de sa petite interprétation, de son avis ou de son indifférence. Alors autant détailler mes impressions suite au film, mais également décrypter quelques thématiques qui se sont imposées lors de mon visionnage. D’ailleurs, je tiens à préciser ces quelques lignes des mois après mon premier visionnage au cinéma, sans prendre le temps d’aller regarder à nouveau le film de Nolan.
Beaucoup de sujets sont la base d’interprétations ou d’analyses, mais un sujet en particulier m’a marqué. ATTENTION AUX SPOILERS NOMBREUX SUR CET ARTICLE.
L’histoire d’un gâchis, l’espoir de sauver quelque chose
L’individualisme est dénoncé clairement dans le film comme la pire source de gâchis de ce monde. La thématique écologique indique clairement la couleur dès les premières minutes, où les premiers témoignages reviennent sur les conséquences des catastrophes climatiques sur le quotidien. Cette catastrophe interpelle : ce n’est pas une simple destruction et basta, mais plus une longue, douce et difficile agonie. Le gâchis est omniprésent.
Toute la première partie du film aborde cette thématique :
- Lorsque les protagonistes parlent de nourriture, c’est pour mieux préciser que l’épuisement des ressources est directement liée à la surpopulation et que ces milliards de personnes ne voulaient se priver de rien (oubliant que c’est une toute petite partie de la population qui accapare les richesses et les usent sans ménagement, mais enfin bref),
- Le gâchis touche toutes les aspects de la société, y compris la connaissance, où l’on réécrit l’histoire pour mieux faire des agriculteurs (« nous ne sommes pas allé sur la lune, arrête de rêver et occupe-toi de planter du maïs »),
- Le gâchis de la disparition de tant de culture et de civilisations face au déclin de l’environnement,
- Et bien sûr le gâchis impardonnable : la destruction de notre écosystème, lent et certain, conséquences de l’absence de réactions passées alors qu’il était encore possible de changer de voie.
Le temps passé à ne rien faire constitue un terrible gâchis.
Ce gaspillage passé affecte directement le présent. Et l’humanité tente de trouver des solutions dans les étoiles. Un peu comme les sauterelles qui détruisent un espace pour se nourrir avant de sauter dans une autre zone. Car spécialité de l’humanité, le gâchis est une richesse qui s’exporte.
La partie dans l’espace et exploration des planètes :
Ce gâchis touche également l’homme en tant qu’individu et espèce. Faire un choix bon ou mauvais présente toujours des conséquences indésirables :
- En partant chercher une nouvelle planète, Joseph Cooper gâche sa relation avec sa fille et la possibilité de s’occuper de sa famille. En conséquence, sa fille rejette complètement son paternel,
- Le temps d’exploration soumis au déficit de temps (hibernation ou relativité du temps à l’approche du trou noir) appuyé par de mauvais choix gâche les chances des terriens que l’on voit mourir doucement,
- Et le pire gâchis : par son égoïsme, le docteur Mann risque de réduire à néant tout espoir de survie de l’espèce humaine. Son action rate, et risque tout de même de compromettre totalement la possibilité de sauver l’humanité,
Comment interpréter la fin de Interstellar
La fin laisse présager que notre héro n’est pas réduit en bouillis d’atomes en approchant de ce trou noir hyper-massif. Miracle, il parvient à survivre grâce à l’action d’une force supérieure, potentiellement des humains hyper évolués.
Dans les images vues dans la scène de tesseract, Cooper et le TARS parviennent à contacter Murphy depuis le trou noir pour lui offrir les clés d’une physique permettant le contrôle de la gravité afin de permettre de quitter la terre. Comble de chance, ils parviennent à quitter l’emprise du trou noir se retrouvant 100 ans après son départ, à proximité de l’arche de l’humanité. Coup de chance sur coup de chances, il retrouve sa fille, a sauvé le genre humain, et décide de rejoindre Amélia Brand sur la planète d’Edmunds en train de sauver également l’humanité avec sa réserve de fœtus prêt à l’emploi (même si le trou de ver s’est refermé, bah oui, il n’a pas peur de partir comme ça).
Tout cela est un peu trop idéal. Alors, il est normal d’interpréter les différentes interprétations de cette fin trop parfaite :
- Le sacrifice de Cooper mène à sa mort immédiate : il entre dans le trou noir et vit une expérience de mort imminente. L’humanité est sauvée par le biais d’Amélia. Cette expérience de mort imminente lui permet de vivre un scénario rêvé lors des derniers instants de sa vie. La terre et sa population sont condamnées. Les messages du fantôme sont définitivement une communication avec une force supérieure, et on ignore s’il a pu réussir sa mission (ce n’est pas l’alternative que je favorise),
- Le sacrifice de Cooper mène à sa mort différée : sauvé provisoirement par les êtres vivants dans le trou noir, il parvient à contacter sa fille. Amélia a une chance de créer une humanité parallèle et la terre et sa population est sauvée. Il meurt après avoir transmis son message. Les derniers instants de sa vie servent à lui montrer une vision de ce qu’il a sauvé,
- Le sacrifice de Cooper est un succès et il survit : il sauve la fille, les éprouvettes et l’humanité grâce aux équations de sa fille. En signe de remerciement, ce nouvel être hors du temps a la possibilité de revoir sa fille. Mais ce n’est que provisoire. Il se sent rappelé vers le trou noir, car c’est son destin de finir dans ce système quelle que soit la boucle (il part quand même à bord de son petit vaisseau alors que le trou de ver s’est refermé… Si ça ce n’est pas du rappel programmé…).
- La dernière possibilité : rien ne s’échappe des trous noirs. Si les « créatures » ou « humains évolués » vivent dans cet espace sans pouvoir s’échapper juste en ayant une série d’influences sur le réel, pourquoi Cooper pourrait s’échapper. Bloqué dans cet univers, la seule échappatoire possible serait un monde rêvé. Il ne meurt pas mais vie une sorte d’Inception où en acceptant de quitter enfin sa vie précédente, il accepterait mieux sa nouvelle existence.
Cooper est le symbole du sacrifice dans le film. Face à tant de gâchis, seul son sacrifice se présente comme une réelle alternative viable.
Cela se ressent très fort lors de la scène d’attraction du trou noir : l’équipage du vaisseau a subit des morts :
- des morts liés à de mauvais choix,
- des morts liés à l’égoïsme déterminé de certain amenant l’équipage très proche de la catastrophe,
- face à ce gâchis, une seule option se profile au bord du gouffre pour avoir une chance à la majorité de survivre : accepter de se sacrifier.
C’est une leçon très dure de la vie de notre civilisation qui est présentée via cette succession de scènes. Le vol dans l’espace et l’exploration résume ce mécanisme, le temps qui nous est concédé étant assimilé au carburant du navire, limitant de manière drastique les chances de survies dès le début. L’humanité use le carburant offert par la terre :
- Le début du parcours, confortable même si le chemin possède plusieurs destinations floues. Les découvertes et l’espoir dominent,
- Découverte de l’imprévu et de catastrophes. Le tsunami étant une forme assez représentative de catastrophes naturelles. L’homme redécouvre son impuissance,
- Successions de gâchis suite à de mauvais choix dans la route à prendre. La donnée carburant/temps devient de plus en plus pressante,
- Catastrophes renforcées par l’individualisme,
- Récupérer ce qui reste à sauver et se rendre compte qu’il est trop tard,
- Trouver une dernière chance et l’exploiter,
- Accepter les sacrifices nécessaires et le prix à payer.
Les êtres du trou noir
Pour achever cette réflexion personnelle, terminons sur les êtres du trou noir. Toujours supposés, jamais révélés. Que peuvent-ils être ? Ils vivent dans les trous noirs, certainement hors du temps et dans une autre dimension. Ils sont avancés technologiquement parlant. Dès lors il y a trois possibilités :
- Soit il s’agit de gentils extraterrestres qui offrent une fenêtre de survie, mais à utiliser seulement si nous le méritons. On se foule pas trop : « prenez cette route, après on verra »,
- Soit il s’agit de l’intervention de Dieu. Je n’ai jamais retrouvé cette réflexion, mais c’est probable. Le film le rappelle souvent : impossible de comprendre les raisons et les moyens employés. Personnellement ça me rappelle quelqu’un.
- Soit (et c’est la solution la plus séduisante) il s’agit d’humains. Des humains ayant évolués de manière si poussée qu’ils en vivent dans une autre dimension.
Mais on n’arrête pas de dire que les humains allaient mourir sur leur petite planète poussiéreuse.
Profitons de cette impasse pour dévoiler ma petite théorie qui en vaut une autre.
Partons du principe que quoi qu’il arrive (trou de ver ou non), les humains parviennent tout de même à envoyer une arche dans l’espace infini en signe de désespoir. Pour tout dire la navette du film avec ses embryons congelés et son équipage (le fameux plan B). Après avoir dérivé longtemps, la navette arrive dans le système du trou noir offrant la vie sur une planète adaptée à la vie humaine. Une nouvelle civilisation née à l’ombre d’un trou noir, et sous l’influence de sa gravité et tout ce qu’il implique.
Elle évolue pour atteindre un nouveau point d’existence. Mais le souvenir de tous les morts sur terre est considéré comme un terrible gâchis.
Le film, à partir de l’intérieur du tesseract, indique que ces êtres supérieurs ont mis en place des boucles dans le temps afin d’arriver à leur fin : parvenir à sauver l’humanité. Une ancienne et autre forme d’humanité.
Tout le film indique qu’il est possible de sauver l’ancienne humanité d’un côté (scénario A) tout en réalisant tout de même le scénario B. Les effets de causes à effets et de paradoxes temporels impliquent que les manipulateurs de temps doivent forcément favoriser le scénario B pour exister, et il ne peut en être autrement. Le trou noir renvoie directement sur leur système d’adoption. Dans l’ordre, nous pouvons déduire plusieurs boucles clés :
- L’ouverture du trou de ver permet l’émergence d’une nouvelle physique sur terre avec l’élaboration du plan A,
- La NASA engage tardivement Cooper pour traverser le trou de ver. La relation avec sa fille ne pose pas de problèmes, il part, il se sacrifie. Dans le tesseract, son message reste ignoré. Une nouvelle boucle débute et il faut changer la donne.
- Les restes de la NASA en arrivent toujours à récupérer Cooper pour effectuer le trajet vers le trou noir. Scénario intéressant car son sacrifice amène toujours à la réalisation du plan B. Mais le temps de l’amener dans l’aventure semble être un facteur déterminant. La relation amour/haine de Cooper et Murphy semble être décisive (n’oublions pas la place de l’amour dans le scénario). C’est la haine de la fille pour son père absent depuis sa jeunesse qui l’amène à trouver un père de substitution, à quitter la ferme et ce qu’elle représente pour se consacrer à la physique. Il est donc nécessaire de pousser Cooper à faire partie de l’aventure plus rapidement que « naturellement ». On le pousse à s’indiquer lui-même les coordonnées de la navette.
- Les différentes combinaisons permettent à Cooper dans une nouvelle boucle à s’envoyer des coordonnées, à obtenir la haine/amour de sa fille qui comprend à son tour les messages. Le sacrifice de Cooper permet le plan B. Une fois dans le trou noir le message passe à sa fille qui utilise la nouvelle physique pour sauver l’humanité.
Le reste de l’histoire et la fin du film dépend de notre interprétation, et je vous renvoie aux lignes précédentes. J’ajouterai que la première scène du film, déroutante pour certains avec ses témoignages nous place directement dans une sensation de boucle. Notons également que la science récupère son rôle positif de sauveur de l’humanité, perdu depuis lère atomique et ses bombes. Sur ces théories développées, je vais me permettre enfin un deuxième visionnage pour profiter au maximum de mes premières déductions. J’attends également votre propre avis !
En bonus, une infographie à découvrir sur le scénario à découvrir ci-dessous :